Si les lézards de maison faisaient leur job correctement, mon livre de
mots croisés ne serait pas plein de sang, de pattes et d’ailes écrasées. Sa page
couverture ne serait pas arrachée non plus et je n’aurais pas à faire la chasse
aux maringouins. Je comprends qu’ils ont le sang froid, mais avec les 36°C que
nous avons le jour, ils pourraient s’activer. J’ai songé à disposer les
moustiques morts sur le bord des fenêtres pour affoler les autres, mais j’ai
abandonné cette « brillante » idée en me disant que ça ne marcherait
pas : les fourmis feraient le ménage, elles.
Je me disais aujourd’hui, qu’après la moitié d’une année passée en Inde,
nous ne sommes toujours pas lassés de ce pays. C’est que ce n’est pas qu’un
pays; ce sont des dizaines de cultures et d’ethnies différentes. Après un mois
au même endroit, nous commencions à avoir nos habitudes. Hier, j’ai fait mes
adieux à mes amis pêcheurs. C’était un peu émouvant. Je me console : ils n’ont
pas encore pris de saumon cette année. Lorsque je leur ai raconté ma prise, ils
voulaient tout savoir : heure, leurre, etc… Faut dire que j’y ai mis plus
d’heures qu’eux, qui travaillent toute la journée. Il n’y a pas de règlements
de pêche au saumon ici, mais personne ne tend de filets dans la rivière pour
les prendre, et nous sommes tout au plus 4 ou 5 sur la jetée à lancer des fils
à l’eau. On ne peut pas dire la même chose pour la pêche en mer. Des dizaines
et des dizaines de bateaux quittent le port chaque jour. Ici comme ailleurs sur
la planète, on s’acharne à vider l’océan.
On quitte le confort dans lequel on s’est installé, nos voisins, nos
vendeurs de légumes, de fruits et de poissons. On abandonne des choses et des
gestes différents de nos habitudes québécoises : les douches pour se
rafraîchir (il n’y a pas d’eau chaude, ici), la baignade quotidienne, les
quelques minutes de méditation devant la mer au coucher du soleil, ma vie à la
maison vêtu d’un seul dhoti parce qu’il fait trop chaud pour autre chose, les
saluts et les sourires à répétition, le papayer qui me sert de support lorsque
je me rince les pieds avant d’entrer, les corbeaux qui jacassent et me font des
remontrances (j’en reparlerai, de ces motards), les noix de coco qui tombent à
un mètre du seuil de la maison, le rat qu’on voit passer le soir le long du
muret et qu’on entend ronger toute la soirée (avec ses copains, j’imagine), les
cuvettes des fourmilions, refaites à neuf chaque matin, etc.
On se crée vite des habitudes. En passant devant l’un de nos marchands
de poissons, nous remarquions aujourd’hui, la présence quotidienne de deux ou
trois amis ou voisins devant le comptoir. J’imaginais assez leur sortie de la
journée : on va rencontrer le vendeur, on parle de pêche, des poissons du
jour, des nouvelles du jour, et un rite s’installe qui ne peut plus être brisé.
On peut tous embarquer dans de telles habitudes. Nos Tim Horton en sont un bel
exemple.
Demain, nous brisons nos habitudes. Nous jetons notre confort par-dessus
bord. Nous partons pour Munnar, dans les
montagnes à thé. Moins de 200km d’ici; 5h30 d’autobus.
J'ai une bien meilleure vidéo, mais elle est trop longue pour le blogue. Désolé! Faudra vous contenter d'un court instant de leurs petits bateaux sur des grosses mers.