Je n’aime pas
certaines catégories de touristes. On en rencontre ici, parcourant les rues
habillés comme des explorateurs africains du XIXième siècle, du moins dans la
version cinématographique de la chose, ou encore, pour ce qui est de plusieurs
jeunes femmes, habillées si peu, que c’en est indécent. Du moins pour le pays
où nous nous trouvons. Un pays ou les gens s’habillent avec modestie. On se
fâche chez nous, de voir les musulmanes s’habiller selon leurs coutumes, mais je
peux vous jurer que nous faisons de même ailleurs. Est-ce si grave, me
dira-t-on? Je n’en sais rien. Les gens d’ici sont tolérants et ceux de
chez-nous se disent qu’ils ont raison de ne pas faire de compromis.
J’ai déjà parlé, dans
le passé, de ces touristes bien pensant qui se promènent les poches remplies de
bonbons et de crayons, qui distribuent à tout enfant et qui se croient
généreux. Ils agissent un peu comme les participantes des Gazelles du Désert
qui se dédouanent en distribuant du matériel scolaire à des enfants de
villages. Une manière de faire oublier la pollution et la détérioration des
milieux où se déroulent les activités, d’oublier le fait que ce sont de grosses
organisations à but lucratif qui les chapeautent. Paris-Dakkar, peut-être? Les
grosses mines en Afrique? Les donneurs de crayons et de chocolat, eux, ils
contribuent à faire des enfants qui quémandent pour obtenir des choses dont ils
n’ont généralement pas besoin ou qui sont mauvaises pour la santé. Si les gens
qui passaient sur la rue devant ma maison avaient fait de même avec mes
enfants, j’aurais réagi fortement à leur corruption. Je n’aurais pas toléré. Pire
encore, ces touristes, qui se croient généreux, préparent ces enfants à une
rencontre avec un pédophile. Ici, au Gauatemala, à l’hôtel où nous allons
nager, une grosse pancarte est affichée bien en évidence : laissez nos
enfants tranquilles! C’est bien dit et c’est essentiel.
C’est comme ces
activités pour touristes que j’illustre par la « danse de la pluie pour
touristes ». Je suis contre. Le guide vous amène voir un type qui marche
sur les mains. Genre « le petit gars du coin qui est bien bon » et
qui tend la main pour un pourboire. Chaque fois que ça m’arrive, j’explique au
guide que nous payons pour les services que nous recevons, que nous payons pour
notre nourriture, que nous sommes conscients que nous payons souvent un peu
plus que les gens du pays, que nous acceptons ce petit plus comme une
contribution collatérale, mais que nous ne payons pas pour voir les gens faire
des pirouettes pour quêter des sous. Si nous voulons assister à un spectacle,
nous irons et nous paierons le prix d’entrée comme il se doit. Mais les gens du
pays n’ont pas à se transformer en chiens savants parce que nous venons
d’ailleurs. Je ne viens pas changer leur culture, je viens vivre ici avec eux
et pour une grande part, comme eux.
Chaque jour, nous
sommes confrontés directement avec un autre phénomène touristique : les
stages et le bénévolat. Des centaines de jeunes viennent ici faire du
bénévolat. Programmes scolaires internationaux ou engagements personnels ou
autres, je ne sais trop, mais ça pullule. Stage communautaires, dit-on, pour
aider la communauté. Comme si ces gens ne savaient pas comment construire leur
maison ou comment donner des soins à leurs personnes âgées. Des retraités
parcourent la ville, encadrés par des organismes qui organisent ces voyages
« humanitaires ». Je soupçonne plutôt ces organismes d’organiser ces
voyages dans le but de rentabiliser leur entreprise. Néanmoins, c’est un créneau
très payant. Une bonne vache à lait, que ces touristes humanitaires. Le
problème, c’est que presque, sinon toutes ces personnes, n’apportent pas une expertise
qui manque au pays, ces personnes viennent prendre gratuitement des emplois qui
autrement seraient occupés par les jeunes d’ici. On dit qu’il n’y a pas, ou
presque pas de personnes sans emploi au Guatemala. C’est faux. Totalement faux.
Toutes les personnes à qui on parle nous donnent leurs enfants en exemple, qui
recherchent et ne trouvent pas d’emploi, malgré des études, souvent
universitaires, complétées. On se retrouve sur la rue avec une boîte pour cirer
les chaussures pendant que des étrangers s’occupent gratuitement de nos
personnes âgées. C’était le cas d’une jeune suissesse que nous avons rencontré.
Elle partait continuer son bénévolat au Pérou et en Bolivie. Elle se trouvait
bien bonne. Beaucoup de fierté pour ses accomplissements.